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L’avenir du travail et de l’emploi en débat à la #rmsconf 2018

Après des éditions clairement tournées vers l’innovation et l’expérience candidat de façon pragmatique, la team #rmsconf nous a proposé cette année une approche assez philosophique des choses avec la promesse de répondre à cette question : Travail ou emploi, qui l’emportera ? Ce sujet, déjà évoqué par Jean-Christophe Anna dans le tout premier épisode de son podcast, inspire de nombreux experts qui ont redoublé d’imagination pour nous aider à nous projeter dans le futur de nos organisations.

Demain tous free-lances ?

L’une des grandes thématiques de la #rmsconf tournait autour de l’accroissement du nombre de free-lances. Ils sont de plus en plus nombreux et ce quel que soit leur métier et leur secteur d’activité. Alors, demain, tous les collaborateurs de l’entreprise seront-ils des free-lances ? La question est posée. Lors de sa prochaine intervention aux Rencontres pour l’emploi de Bruz, Marie-Laure Collet expliquera d’ailleurs que désormais, tous les métiers peuvent s’exercer en free-lance, sous réserve que l’entreprise intègre ce type de contrat.

Le modèle est assez porteur dans le contexte actuel de surcroît d’activité. Pour autant, la vie du free-lance n’est pas si simple qu’on peut l’imaginer et la libération du travail engendrée exige d’autres sacrifices. Le free-lance se doit de faire preuve d’une très grande autonomie. Pour bien gérer sa carrière, il ne peut que rarement compter sur les entreprises dans lesquelles il exerce. Ainsi, il doit se constituer lui-même un réseau et l’entretenir et il doit se former lui-même pour garantir son employabilité.

Les entreprises sont, quant à elles, encore nombreuses à s’interroger sur la façon dont elles pourraient travailler avec des free-lances. Peut-on par exemple leur confier des missions qui intègrent du commercial ? A priori difficilement mais la question reste ouverte. Et comment faire bouger les lignes sur les modes de travail en s’inspirant des free-lances ? Si de plus en plus de salariés s’intéressent au travail en free-lance, c’est notamment parce que la façon de travailler est différente. En effet, flexibilité, autonomie, agilité et collaboratif font partie de leur quotidien et sont aussi demandés par les collaborateurs en entreprise. Les organisations ont donc tout intérêt à s’intéresser à ces nouvelles façons de travailler pour insuffler cette diversité dans le reste de l’entreprise et acculturer les collaborateurs à ces nouvelles pratiques. L’exemple de la Villa Bonne Nouvelle, initiée par Orange, est une grande source d’inspiration dans ce domaine.

Transformation de l’emploi : robotique et intelligence artificielle

Au delà des formes de travail, les métiers évoluent également. Demain, par exemple, le métier d’ingénieur consistera très certainement à transmettre son savoir-faire à un robot. C’est l’un des enjeux du DRH de demain. Pour cela, il doit accompagner les collaborateurs pour qu’ils comprennent comment un robot fonctionne car ils devront travailler avec lui, voire le manager. La machine reprend des tâches simples ou a minima automatisables et le collaborateur doit l’aider à s’améliorer et venir corriger les bugs de la machine. Il participe aussi à l’automatisation, en identifiant les tâches qui peuvent l’être ou sur lesquelles, grâce à l’IA il pourrait gagner en efficacité. En connaissant bien son métier, il aide à construire la machine et ses algorithmes. C’est l’une des formes d’évolution professionnelle à venir.  Et bien sûr, l’IA touche aussi les « cols blancs » et ne concerne plus uniquement l’industrie. Certains tâches intellectuelles sont également concernées. C’est l’arrivée du « collaborateur augmenté ».

 


Le monde du recrutement est à ce titre un exemple parlant. Une partie des questions posées à un candidat, au moins dans la phase de pré-sélection par téléphone, peut être pensée en amont et administrée par un robot du type messagerie instantanée. Cela présente un double intérêt : faire gagner du temps au recruteur qui a des besoins récurrents sur le même profil. Une fois qu’il a constitué son questionnaire et nourri le robot pour l’aider à répondre, il peut se consacrer aux tâches à plus forte valeur ajoutée. Le candidat a, quant à lui, toute la liberté de répondre à ces questions simples quand il le souhaite, à toute heure du jour et de la nuit. Une position souvent plus confortable s’il est en poste, si tant est que les questions soient bien pensées et ouvertes et lui donnent suffisamment envie de répondre.

Libération du travail : quel est l’avenir du lien de subordination alors que l’expérience collaborateur prime et que l’entreprise se libère ?

L’entreprise libérée a fait l’objet de nombreux débats à la #rmsconf. Dans une telle organisation, le salarié est acteur. Il s’implique dans la stratégie et dans les décisions qui sont prises, à tous les niveaux. Les cartes sont redistribuées. Par ailleurs, son travail au quotidien change également. Il a des missions et des objectifs, mais il est libre de décider des moyens qu’il utilise pour les atteindre.

Mais, Marielle Thomas le rappelle, la libération de l’entreprise peut générer des frustrations. Toutes les entreprises et tous les salariés ne sont pas faits pour ce mode de management. Prenons un exemple : les postes de direction dans une entreprise supposent souvent un certain nombre de privilèges qui peuvent être redistribués dans l’entreprise libérée, dans une logique efficacité plus que de gratification. C’est le cas des places de parking, souvent réservées à la direction. Or, dans des structures où les dirigeants sont souvent en rendez-vous à l’extérieur, l’attribution de ces places de parking peut être revue pour bénéficier, par exemple, à ceux dont les horaires ne leur permettent pas de trouver facilement de stationnement. L’entreprise libérée doit donc reposer sur un projet commun. Et quand cela fonctionne, le turnover et l’absentéisme diminuent et les performances augmentent.

Marielle Thomas à la #rmsconf

Mais la libération de l’entreprise peut aussi passer par de petites choses. A leur manière, toutes les organisations peuvent se libérer, sans pour autant aller jusqu’à la disparition des managers et de toute forme de hiérarchie. Il existe un grand nombre d’actions à mettre en place pour faciliter l’entrepreneuriat en interne et l’agilité dans l’entreprise, comme le rappelle Boris Sirbey pour le Lab RH et MyJob.Company : culture du feedback permanent, bienveillance dans les conflits, ouverture du dialogue et exigence de chaque membre pour n’en citer que certaines. Au sein d’Octo Technology, par exemple, les pratiques managériales s’inspirent de l’entreprise libérée, pas à pas. La direction a pris le parti de conserver les managers en place, mais de laisser les groupes de travail transverses choisir leurs managers. Ce sont d’ailleurs sur ces projets transverses que se font parfois les premières libérations, car ils permettent de lancer une forme d’intrapreneuriat. Le niveau de libération de l’entreprise dépend de chaque dirigeant, de chaque structure et tous les profils ne sont pas adaptés à l’entreprise libérée. Certains ont besoin d’un cadre, d’orientations claires et la prise de décision par les pairs ne convient pas toujours. C’est d’ailleurs pour cela que dans une entreprise libérée, il peut y avoir une tendance à recruter des profils assez homogènes. Un point sur lequel il faut être vigilent.

Ces différents points de vue démontrent donc que la définition de la relation de travail est mouvante. Et son avenir dépendra aussi en partie des nouveaux entrepreneurs qui arrivent sur le marché et qui cassent les codes.

La libération du lieu de travail : les espaces de travail évoluent

Là où certains estiment que, dans un monde idéal, les entreprises doivent favoriser le télé-travail et décloisonner les bureaux, il est important de rappeler que chaque métier ne se prête pas à de telles évolutions, de même que tous les profils ne s’épanouissent pas dans ce modèle. Par ailleurs, les entreprises qui mettent en place le télé-travail pour leurs salariés sont encouragées à faire en sorte que le lieu de l’entreprise devienne un endroit de partage et d’échange, afin de compenser le manque provoqué par ailleurs. Cela peut passer par un management adapté, ainsi que par un espace aménagé pour l’échange.

Mais une chose est sûre : la question des espaces interroge. Espaces ouverts, petits bureaux de réunion, cabines dédiées, tout ceci est mouvant et les entreprises, pour répondre à leurs besoins d’agilité, testent actuellement de nombreuses façon d’aménager les espaces de travail (a minima pour les fonctions qui exercent en bureau).

Certains dirigeants, à l’instar d’Emilie Lebrun, ont fait le pari d’aller jusqu’au 100% télétravail. Bien sûr, cela concerne des fonctions dont le travail en équipe, en face à face, n’est pas nécessaire et cela doit reposer sur une confiance absolue de la direction. La dirigeante de Whodunit le rappelle, il ne faut pas avoir d’a priori sur le sujet. Si on se pose des questions sur le travail et l’intégrité de ses collaborateurs, cela ne fonctionnera pas. Dans son cas, les équipes ne se voient qu’une fois par mois, notamment sur des temps de team building et de convivialité. Dans ce type de structure, où les enjeux humains d’attractivité, de communication interne, de fidélisation et de sentiment d’appartenance sont finalement assez proche de ce que connaissent les ESN, il y a encore beaucoup à inventer.

L’arrivée du jeu en entreprise

Les techniques de management évoluent aussi grâce aux technologies. Chez Rakuten, par exemple, le neuro-management a été appliqué pour aider un groupe à mieux travailler ensemble. Cette équipe, composée des collaborateurs N-1 des membres du CoDir, se réunit régulièrement pour travailler sur des sujets transverses. Elle a testé à une expérience innovante :  ils ont chacun participé à un jeu en réalité virtuelle, au cours duquel des mesures (analyse du comportement, stress, pouls, concentration, etc.) ont été prises. A l’issue de ce jeu, un bilan cognitif et comportemental, restitué par un psychologue, leur a été proposé. Cette approche, qui s’appuie sur des données scientifiques et comportementales, est avant tout centrée sur le groupe plus que sur l’individu. Comme c’est le cas avec certains outils utilisés avec des CoDir (Wave notamment), l’idée ici est bien d’analyser le collectif pour identifier les complémentarités et les dispersions et ainsi livrer à l’équipe des clés pour mieux collaborer.

Mais le jeu peut être utilisé de manière moins scientifique, mais toute aussi pertinente selon les cas. Ainsi , le jeu peut être amené en formation, pour faciliter l’apprentissage. C’est l’idée d’essayer pour réussir. Il peut par ailleurs apporter un plus en recrutement, notamment pour permettre à certains profils de révéler leurs soft skills. L’espace game, par exemple, peut s’avérer utile pour analyser le comportement et l’implication d’un candidat.

Où trouver les talents pour les emplois de demain ?

Dans ce monde en évolution, le recrutement est bien sûr un enjeu stratégique. Ainsi, il est primordial de réduire le « skill gap » provoqué par un déséquilibre entre l’offre d’emploi et les profils (et attentes) des candidats et qui portera à 300 000 le nombre de postes non pourvus d’ici 2027, selon les experts présents à la #rmsconf. Cette pénurie repose en partie sur le fait que les employeurs sont encore à ce jour trop peu flexibles sur le parcours et la formation des talents qu’ils recrutent. Au contraire, l’ouverture d’esprit devrait guider leurs recrutements. Car bien souvent les talents qu’ils recherchent n’existent pas ou sont bien trop rares pour qu’ils y aient accès. Il peut alors s’avérer opportun de recruter un candidat qui dispose a minima des soft skills adaptées pour ensuite le former aux techniques qui lui manquent. De la même manière, former ses propres salariés pour les faire monter en compétences ne doit plus être une option mais doit faire partie de l’ADN des entreprises. Mais il faut aussi être conscients de la réalité de son entreprise. Ainsi, il peut être trop contradictoire de rechercher des candidats avec des savoir être trop en décalage avec les schémas de l’entreprise, qui ne pourraient alors pas s’exprimer pleinement (rechercher des profils extravertis dans une structure très traditionnelle, par exemple).

A ce titre, la marque employeur doit être le juste reflet de la réalité vécue en entreprise. Le recruteur ne devrait pas faire de sur-promesses car la vérité est vite découverte. Dans le meilleur des cas, le candidat se rend compte du décalage en entretien et coupe court au processus. Dans le pire scénario, le candidat est recruté et est vite déçu, une fois sa prise de poste effective. Il peut alors mettre fin à sa période d’essai et l’entreprise, qui aura commencé à le former, devra reprendre à zéro le recrutement. La communication attractive ne doit donc pas faire oublier la transparence. Selon les experts de Parlons RH, la marque employeur doit permettre au candidat/collaborateur de répondre à trois questions :

  1. Pourquoi je rejoindrais cette organisation ?
  2. Pourquoi j’y resterais ?
  3. Pourquoi j’y serais engagé ?

Elle doit parler à tous les candidats que l’entreprise recrute. Tous ne sont pas à la recherche de sens par exemple. Comme dans toute opération de communication, il faut donc au préalable bien connaitre sa cible et bien se connaitre. Il peut ainsi s’avérer pertinent de bien connaitre ses points faibles et ses points forts. Chez Deloitte, par exemple, les RH n’hésitent pas à mettre en avant l’employabilité de leurs collaborateurs, dans un secteur où le turnover est élevé. Ils ont très bien compris une chose : en démontrant aux candidats qu’une expérience chez Deloitte est valorisée par les grands groupes, ils attirent des profils qui s’investiront et se dépasseront.

Comment manager des ressources humaines dans un monde si mouvant ?

Une fois les talents recrutés, la qualité de vie au travail est de plus en plus présente dans l’esprit des dirigeants et des DRH. Mais dans un monde où l' »infobésité » s’installe et où les collaborateurs, notamment les cadres, sont sans cesse sur-stimulés, les experts présents à la #rmsconf vont jusqu’à parler de l’importance de la santé au travail et de la qualité de vie hors travail. Pour maintenir un bon équilibre vie personnelle / vie professionnelle, faudrait-il s’intéresser à ces trois piliers : santé, QVT, QVHT ? Car dans les situations qui s’aggravent, les problèmes professionnels ne sont en général pas les seuls problèmes et le mal-être est bien souvent provoqué par une conjonction de plusieurs facteurs (personnels, professionnels et lié à la santé du collaborateur).

Mais alors, le Chief Happiness Officer est-il l’une des clés pour permettre à tous ces talents de s’épanouir dans l’entreprise en mouvement ? Pour le savoir, il faut d’abord comprendre en quoi consiste le rôle du CHO. Sa mission, plus que d’aborder le bonheur dans l’entreprise, est de mettre du liant entre les personnes. Son poste au quotidien est fait de petites choses qui permettent aux équipes de mieux travailler ensemble et de trouver leur place pour que leur personnalité s’exprime. Grâce à des indicateurs spécifiques, il mesure la pertinence de ses actions (parmi ceux-ci, il a bien sûr le turnover). Pour autant, le poste de CHO a-t-il vocation à perdurer dans l’entreprise ? Pas si sûr ! Pauline Tirman se pose la question : la mission de CHO est-elle un projet ? Une fois toutes les actions mises en place, au bout de quelques années, est-il nécessaire de maintenir le poste ? Seul l’avenir le dira, sur ce métier encore très jeune dans nos organisations.

Un avenir qui, selon les experts présents à la #rmsconf, se dessine donc autour d’un collaborateur au centre de toutes les attentions.

Un grand merci à toute la team #rmsconf pour cette riche journée !